Association Renaissance du Château de Musinens - Bellegarde-sur-Valserine (Ain)

 
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13 mars 2024

Le presbytère de Musinens


Le presbytère de Musinens
Puisque la mémoire est chose incertaine et que le temps hâte l’oubli, nous avons tenu à consigner dans ces lettres… Ce préambule du XIIe siècle qui introduit un acte de donation à l’abbaye de Chézery (Alain Mélo Histoire du pays de Gex) peut sans doute convenir pour précéder ces quelques lignes dont le but est de renouer avec cette mémoire incertaine au sujet de l’ancien presbytère de Musinens. L’oubli avait sans doute fait son œuvre puisque ne restait connu que, le pré de la cure dans le village de Musinens, mentionné sur le cadastre napoléonien de 1832. La cure elle-même avait quitté les mémoires, mais elle n’a pas pour autant disparu, la révolution a changé son usage et effacé l’origine du bâtiment dont la structure était parfaitement adaptée à l’usage agricole qui allait être le sien.

Musinens accueille une maison de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem mentionnée en 1264. Historiquement, c’est au XIe siècle, dans un contexte de pèlerinage à Jérusalem qu’est construit un hôpital ou hospice dans la partie chrétienne de Jérusalem. Une première église est construite sous le vocable de Saint-Jean l’Aumônier puis sous celui de Saint Jean-Baptiste, patron officiel de l’Ordre. La vocation de l’Ordre est hospitalière et militaire lors des croisades,
En 1319, afin de diminuer les tensions entre chevaliers, le Chapitre Général de l’Ordre réuni à Montpellier, décide de regrouper les Hospitaliers en fonction de leurs origines dans des zones géographiques et linguistiques homogènes, dites Langues. Ces Langues sont au nombre de huit : Provence, Auvergne, France, Aragon, Castille, Italie, Angleterre, Allemagne. De Rhodes à Malte l’Ordre reste l’un des rares ordres fondés au Moyen Âge encore actif aujourd’hui. A la fois souverain et religieux, il demeure fidèle à ses principes fondateurs : Nourrir, Témoigner et Protéger la foi. Sa vocation hospitalière au service des pauvres, des malades, des réfugiés, se concrétise par le travail bénévole effectué par les Chevaliers et les Dames de l’Ordre dans le domaine de l’aide humanitaire et médico-sociale. Aujourd’hui l’Ordre exerce sa vocation dans plus de cent vingt pays, sous le vocable de l’Ordre de Malte.
Sur les 258 commanderies que l’Ordre comptait en France, la langue d’Auvergne englobe 56 commanderies que l’Ordre possédait dans cette langue, qui elle-même comportait 717 membres, c’est-à-dire immeubles ou terres, qui en dépendaient. Dans l’actuel département de l’Ain figure trois maisons des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem qui dépendaient de commanderies du duché de Savoie. Au Sud, Acoyeu fondée en 1149 sur l’actuelle commune de Brens en Valromey, sur le diocèse de Belley, était une possession de la commanderie de Chambéry. Dans l’Ain, deux commanderies importantes pour le département sont : Les feuillets, avec six membres et Laumusse, avec huit membres.
La Commanderie de Compesières avait quatorze membres situés dans le Duché de Savoie, deux de ses membres sont à l’Est du département de l’Ain en terre de France depuis le traité de Lyon. Dans l’Ain, l’hôpital de Dorches et l’hôpital de Musinens. Elles furent toutes deux détachées de la commanderie à la révolution et passées dans le domaine public en 1792. Si la chapelle de l’hôpital de Dorche de style roman est conservée, la chapelle de Musinens du XIIe siècle fut détruite en 1947 pour implanter un réservoir d’eau dans une commune en plein développement.
Le bâtiment des Hospitaliers de Musinens a été construit sur des ruines de deux édifices gallo-romains que nous pouvons dater du premier siècle par l’analyse des fragments de poteries, pièces de monnaie, tuiles et fragments d’amphores.

Toute communauté humaine laisse des traces sur les lieux qu’elle occupe, ainsi pour une excavation de près d’un mètre nous avons rencontré au plus bas, une couche de 8 cm de coquilles d’escargots en abondance, puis les premières poteries romaines avec tegula et quelques imbrex. Des fragments d’une amphore du premier siècle (Dressel 20) utilisée pour l’huile. De nombreux morceaux de tuiles et de poteries sont relevés. Cette couche intègre les fondations romaines. L’implantation de ces fondations sont de 4,20 m de large, la longueur exacte supérieure à 6,5 m n’est pas connue. Les alignements de pierre font penser à une structure de solin, peut être surmonté de murs en pisé, l’ensemble était couvert de tuiles. Hors œuvre, côté Ouest la fréquence des indices archéologiques font penser à la présence d’un autre bâtiment. Dans la chronologie archéologique, lui succède une couche avec quelques poteries sigillées puis une ligne de bois carbonisé. Au-dessus, des traces de vaisselle en terre vernissée jaune et vert du XVIe siècle du type de la poterie de Meillonnas, puis de nouveau une ligne de combustion. Les fragments recueillis sont le fruit d’une collecte aléatoire et n’ont pas fait l’objet d’une fouille systématique.

La maison des hospitaliers de Musinens dont la présence est attestée depuis 1264 a fait l’objet de nombreux rapports de visite dont celle du commandeur Louis de Chatillon fils de Richard de Chatillon puis celle d’Aimée de Menthon en 1549 et celle d’Adrien de Jacquelin en 1585. Nous sommes attachés à l’illustre visite de François de Sales en 1605. ( lire en annexe ).
L’intérêt porté aux bâtiments de l’Ordre par François-Christophe de la Barge, chargé de la commanderie de 1683 à 1723, dont les actes et les visites indiquent les réparations et les travaux exécutés sur les bâtiments dont il avait la charge, est importante pour Musinens.
Le bâtiment est décrit partiellement ruiné à la fin du XVII siècle. Le commandeur François-Christophe de la Barge originaire d’Auvergne fît reconstruire le bâtiment au début du XVIIIe siècle sous la forme d’une maison vigneronne. Un cartouche avec deux étoiles et le millésime 1712 porte les initiales du constructeur maître maçon R.R.

La classification des maisons rurales du géographe Albert Demangeon nous permet le descriptif suivant pour cette maison : Il s’agit d’une maison bloc à étage de type vigneronne et de polyculture dite maison à travées. De plan rectangulaire plus étroit du côté du pignon avec façade sous la pente du toit. D’orientation Est Ouest, les éléments transversaux qui se succèdent sont : une remis, le logis sur cave avec escalier extérieur puis la grange et l’étable avec entrée couverte par un auvent du toit soutenu par un poteau de chêne et des consoles d’avant-toit. Les consoles sont constituées d’un chapeau (pièce horizontale) d’un potelet et d’un bras de force. L’ensemble supporte une panne volante.
La grange étable qui occupe près de la moitié du bâtiment est pourvue d’une grande porte charretière, d’une écurie avec des ouvertures pour le fourrage. Dans la partie haute de la grange côté Ouest, une fenêtre gerbière permettait d’alimenter en foin le dessus de l’écurie. Enfin au Nord une petite lucarne assurait l’aération du bétail à l’opposé de l’ouverture de l’écurie, et une porte permettait sans doute d’aérer la grange lors du battage du grain.
Au rez-de-chaussée les caves présentent trois pièces séparées par des murs de refend, la première, côté Est, n’avait qu’une lucarne pour la conservation du vin et des aliments, la seconde pièce, sans ouverture, la dernière avec une porte donnant à l’extérieur au cadre de molasse verte usée par le passage des chèvres ou des moutons. Au Sud Est, une petite remise protégeait la cave des écarts de température. A l’étage également nous retrouvons ces quatre pièces qui avaient pour fonction le logement des propriétaires. L’escalier vigneron donne l’accès à ce qui devait être une cuisine équipée d’une large cheminée aujourd’hui disparue.

La construction du bâtiment est assurée par des moellons calcaires, en pierres de petite dimension dont les lits, les joints et le parement sont laissés plus ou moins bruts, sauf pour les chaînages d’angle. Mais une lecture plus précise de cet appareillage nous permettra de distinguer les reconstructions sur les vestiges du XIIIe siècle pour ce bâtiment.
Les biens des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, durant le bas moyen-âge sont généralement conservés par l’Ordre et le bâtiment de la cure, décrite ruinée à la fin du XVIIe siècle est conservé par la commanderie. Les fonds agraires sont inaliénables, ils ne peuvent être cédés, échangés, légués, hypothéqués sans l’aveu magistral du grand conseil de l’Ordre. Il est fait mention d’une reconstruction sur des ruines du XIIIe siècles, sans doute sur l’ancien Hospitalet mentionné en1264. Il reste sur la maison curiale moins d’un quart des anciennes constructions avec des murs d’une largeur de près d’un mètre et constitués de « pierres de ramasse où tout venant ». La reconstruction de 1712 est lisible par la présence de pierres de carrière façonnées et d’un appareillage soigné, mais également par des réemplois sur la réhausse de certains chainages. La finition des façades était en crépis de chaux, un enduit avec un mélange de chaux et d’ocre rouge donnait dans le passé une couleur rouge pour les encadrements des portes et des fenêtres du presbytère.

La charpente de la grange a la structure d’une ferme triangulée, entrait bas avec un peuplier de grande longueur, et entrait-retroussé avec des contrefiches soutenant l’arbalétrier central près d’un faux entrait double. Cette disposition et le fait que, bien souvent, les bâtiments des membres d’une commanderie soient des locaux fonctionnels à usage agricole nous laisse penser que la maison permettait également de stocker le fruit des prélèvements dîmiers, cet impôt étant réservé au clergé est payé en nature avec des produits agricoles. Le toit, dans le passé était couvert de chaume, puisque les marais riches en phragmites se développaient à l’ouest du village. Des tavaillons de bois puis des tuiles mécaniques ont assuré par la suite la couverture du bâtiment. Le modèle de construction est proche des maisons gessiennes puisque le commanditaire était à Compesières. Il est utile de rappeler que les membres du Genevois qualifiés jusqu’à la Révolution d’hôpitaux, ont des fonctions d’établissements ruraux ou de presbytères.

L’une des particularités des édifices religieux, qui de prime abord peut paraître banale, réside dans le fait que souvent les constructions sont orientées. Ceci entraîne l’exposition du sanctuaire et de l’autel vers l’Orient, lieu d’où s’élève et donc renaît régulièrement l’astre du jour, symbole de la divinité christique. L’Est est aussi la direction dans laquelle se trouvent la terre sanctifiée et le lieu d’origine de l’histoire chrétienne à Jérusalem, l’orientation peut être la position du soleil levant au jour de la fête du saint patron.
Apparue dès l’époque paléochrétienne, l’orientation Est-Ouest des édifices religieux devient une règle à partir du XIe siècle, si le terrain ne s’y oppose pas. Le but principal de cette orientation est de placer l’édifice dans l’ordre cosmique et de visualiser son emplacement à l’intérieur de cet ordre. La chapelle de Musinens et l’ancienne maison des hospitaliers sont dirigées vers le levant. Le couchant dans la symbolique chrétienne, est le temps de la fin de journée, de la fin de vie, ainsi les lieux du couchant reçoivent le cimetière.
Extrait d’une visite en 1735 : Musinens éloigné de Compesiéres de cinq lieues et d’une demi-lieue de Chatillon-en-Michaille avait une petite chapelle. Les visiteurs y notent qu’elle est longue d’environ vingt pieds sur huit de large, ayant son cœur vouté dans lequel sont deux fenêtres l’une derrière l’hôtel et l’autre du côté de l’Epitre, celle de derrière l’hôtel est vitrée et l’autre grillée de fer avec un châssis de papier, dans le chœur du côté de l’épitre est en bois de sapin, le chœur est séparé de la nef par un mur de hauteur d’appuis ouvert au milieu. La nef n’a pas de fenêtre. Le toit est couvert de tavaillons et le clocher en pied de chèvre avait deux cloches. La chapelle avait un cimetière et abritait les reliques de saint Blaise.
La maison des hospitaliers (Domus Hospitalis Musinens) était sous le vocable de saint Blaise et saint Grat. Saint Blaise naquit, vécut et mourut, dit-on, en Arménie. Sous le nom de saint Blaise, très répandu il y a encore quelques années, se cache ce saint évêque de Sébaste, aujourd’hui Sivas (Turquie). Martyrisé en 316, il n’a jamais quitté sa région où il fut enterré. La région que l’on appelle alors l’Arménie-Mineure, pour la distinguer de l’Arménie dite historique, se trouve au nord-est de la Cappadoce, avec laquelle elle constituait l’Arménia Parva des Romains. Ses études de médecine lui permettent de guérir les humains et les animaux. Et ce avec, assez souvent, un simple signe de croix. En effet à l’époque, tigres, léopards, lynx, panthères, loups, abondent dans la région. Il fait en sorte d’éviter le mal, pratique la douceur et la modestie. Il est bientôt, malgré lui, élu évêque par ses concitoyens. Revêtu de sa nouvelle dignité, notre saint homme, cédant à un mouvement de l’esprit de Dieu, et voulant se protéger, décide de se retirer dans une des cavernes du Mont Argée. Cela commençait à se savoir. Or, en ce temps, gouvernait en Cappadoce et dans la région de Sébaste, un Romain, nommé Agricola. Il ne voyait pas cette popularité d’un très bon œil. Un jour, ses soldats partis à la chasse lui rapportèrent que les animaux se réfugiant devant l’entrée de sa caverne, il leur avait été impossible de les en chasser ou de les attraper. Déjà fort mécontent, Agricola, saisissant ce prétexte, envoie ses soldats chercher l’évêque Blaise. Il est supplicié, des tortures et le refus de celui-ci d’abjurer sa foi, conduise Agricola à le faire décapiter. Cela se passait en février 316, cette date étant la plus souvent retenue. Le jour varie suivant les calendriers. Son corps aurait été placé dans un sarcophage à Sébaste (Sivas), en un endroit, objet de vénération et de pèlerinage. Au Moyen Âge, ses habitants se réunissent pour rassembler les fonds nécessaires à la construction d’une église à Constantinople, près de la Citerne, Deux autres sont bâties, l’une près de l’aqueduc de Valence toujours présente au moment des croisades vers 1200, et l’autre dans le quartier tois Miltiadou. En 1922, l’abbé Léon Gauthey (archevêque de Besançon) visite la Cappadoce, et photo à l’appui, parle de la tombe de saint Blaise à Sivas, dans un sarcophage qui aurait été restauré en 1860. A l’époque une petite communauté d’une trentaine de familles chrétiennes s’occupait de l’église dédiée au Saint. En 1980, un voyageur qui passe par Sivas, rapporte qu’après l’occupation par l’armée, le plafond s’étant écroulé, l’église est détruite. La sépulture (vide) du Saint est dans la cour du musée de Sivas. Saint Blaise commença à être vénéré en Orient aussitôt après sa mort mais ce sont les croisés qui vont répandre son culte en Occident et rapporteront en France plusieurs de ses reliques, lesquelles sont encore visibles à Metz en l’église St. Eucaire. A noter que St. Jean-Baptiste, décapité en 29 (selon la volonté de Salomé la nièce d’Hérode), a été inhumé et vénéré à Sébaste (Turquie), dont St. Blaise fut l’évêque, jusqu’en 363. A cette date Julien l’Apostat ordonna que ses restes soient brûlés, mais la tête du précurseur du Christ, ayant pu être sauvée, elle est aujourd’hui encore, vénérée en la cathédrale d’Amiens, mais aussi à Angeriacum, Saint-Jean d’Angély, et dans plusieurs autres églises qui affirment aussi détenir tout ou partie de la tête de Jean Baptiste.

A Musinens la chapelle était aussi sous le vocable de Saint Grat deuxième évêque du diocèse d’Aoste dont il est le patron. Évêque d’Aoste et confesseur, est invoqué contre les intempéries et pour la protection du bétail. On ne sait pas grand-chose de lui, mais une légende lui attribue la découverte de la tête de Jean-Baptiste au fond du puits dans lequel Hérode l’avait fait précipiter. Saint Grat, évêque d’Aoste au Ve s. est représenté près du puits où il aurait trouvé, lors de son voyage en Palestine, la tête de saint Jean-Baptiste qu’il rapporta à Rome. Son culte est répandu sur les deux versants des Alpes, en Savoie et en Piémont où il est vénéré comme le protecteur des vignobles contre la grêle, des champs contre les nuisibles. Patron de Conflans et de la Tarentaise, où il protège les moissons, éloignes les orages et les incendies. A travers Saint Blaise et Saint Grat, on retrouve deux préoccupations des habitants de Musinens : la santé et la protection du bétail et des cultures. On notera que Musinens et notre région ont des saints communs avec les habitants de la région d’Aoste. Mais aussi que Saint Blaise et Saint Grat sont en étroite relation avec Saint Jean Baptiste vénéré par les Templiers et les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem.

Nous regrettons que la visite à Musinens d’Edmond Ganter rédacteur de l’ouvrage (Compesières au temps des commandeurs) n’ait pas donné lieu à la description de la maison curiale. Nous évoquerons les recherches faites par Jean Marie Plouin auprès des archives des départements du Rhône et de Haute Savoie pour l’ouvrage (De Musinens à Bellegarde).
« Le Commandeur de Compesières possédait une petite maison voisine de l’église, vers le Nord. Comme le Commandeur était curé en titre de la paroisse, on parlait officiellement de « maison curiale » mais pour les paroissiens, c’était le presbytère, là où l’Ordre logeait le vicaire résident que tout le monde appelait en fait, Monsieur le curé. La maison est décrite en 1765 et 1777, dans les inventaires après décès des
curés humbert Pavy et François Vuarin. _Architecture de maison vigneronne de Michaille : façade au midi, toit de paille grange au couchant avec toit de tavaillons. En façade un escalier en pierre d’une dizaine de marches menait au poêle, pièce chauffée par une cheminée d’où on passait à une chambre réservée aux visiteurs de passage. Le mobilier était simple : table de noyer, chaises, un fauteuil, lit garni dans le poêle, lit à la duchesse avec rideau dans la chambre des visiteurs, coffres et armoires de sapins, placard dans le mur de la chambre pour les archives. Ustensiles de cuisine, pendule et baromètre. Objets propres à la cure : un prie-Dieu de frêne, crucifix, bénitier, rares livres de piété sans valeur. Sous l’escalier extérieur, deux petites caves dont l’une servait au vin : quatre tonneaux, deux grands et deux petits de 120 pots. Dans la grange : une vache, de la paille, du grain et une voiturée de bois de chauffage. Les archives de la cure étaient réduites : registre des baptêmes, mariages et sépultures, terriers récents, contrats de cense en cours. Le reste se trouvait à la Commanderie de Compesières ou à l’évêché. Lors de la Révolution, toutes les pièces des archives paroissiales ont disparu, à l’exception du registre qui avait été transféré à la municipalité de Musinens lors de l’instauration de l’état civil en 1792 »

Après la période révolutionnaire les bâtiments de la Commanderie sont vendus aux acquéreurs des biens nationaux, la maison presbytérale est localisable à travers les éléments de la description suivante : au matin par le chemin de la fontaine, au soir par la place publique, de bise, par le pré des Chevalier, du vent, par le pré des Laracine.
En 1796, le curé François-Joseph Blanc avait quitté le presbytère, le bâtiment devenu bien de la nation est vendu et c’est Claude Chevalier cultivateur à Musinens
qui fait l’acquisition du presbytère, de la grange, du jardin et du pré de la cure pour 804 francs le 18 fructidor de l’An IV de la révolution. En 1814, lors d’un partage entre ses trois enfants l’ancienne cure est divisé en deux parts : la maison composée de chambres, cuisine et caves, et un petit pré. Un autre enfant aura la grange, l’écurie et le hangar sous lequel il y a un pressoir. Le troisième : un emplacement à bâtir dans le village et douze arbres chênes.
L’ancienne cure, Dénommée plus tard, la grande ferme de François Roussy, était placée en bordure du chemin de la fontaine, à l’angle du chemin de la Burbande qui descend en direction de la grande route qui mène au bourg neuf. Un document signale l’emplacement de la principale fontaine villageoise en face de la ferme Roussy. En 1830, François Roussy et sa femme habitent cette maison chemin du lavoir alors qu’ils sont les meuniers d’un moulin sur la Valserine. Ils occupent encore la maison en 1852.
Plus tard cette maison devient la propriété Bergeron de Chanay puis passa en d’autres mains et le temps hâtant l’oubli, on parlait quelquefois de la ferme du château. Etant plus jeune, je connaissais cette maison mais les murs restaient muets, seuls les méandres de l’histoire illustrent et font parler les pierres. Au Nord de cette maison il y avait le pré Bouillet actuellement occupé par trois villas, dans mon enfance, je me souviens qu’il y paissait la magnifique jument comtoise de la famille Chevalier. Mais c’était avant…

ANNEXE :
Dates des visites pastorales du diocèse de Genève-Annecy à Musinens : 27 mai 1411, 4 août 1443, 28 mai 1481, 14 décembre 1516, 11 août 1581, 21 octobre 1605, 29 juillet 1666, 20 août 1671, 13 septembre 1683, 25 juin 1708, 9 juin 1766.
Vie de Saint François de Sales, évèque et prince de Genève, docteur de l’Eglise par M. Hamon.
Visite de son diocèse : le passage à Musinens en octobre 1605.
La fatigue de ces visites, ayant occasionné au saint prélat un peu de fièvre, l’obligea de s’arrêter à Saint-Gras de Musinens pour prendre un jour de repos. De la chambre où il était couché, ayant entendu un jeune homme plaisanter, dans la salle voisine, sur l’embonpoint de l’évêque, qui devait, disait-il, se trouver bien à Saint-Gras et non pas y être malade, il fit dire au discoureur bel-esprit de venir le trouver ; et, après les premières formules de politesse, il amena la conversation sur sa maladie, pria le jeune homme de lui tâter le pouls, lui demanda ses conseils avec un air de confiance et d’honnêteté contre lequel celui-ci ne put tenir : « Monseigneur, lui dit-il, je vois que vous avez le don de lire au fond des cœurs : je suis le fils d’un médecin de Genève, j’ai été envoyé par nos ministres pour épier vos démarches, et savoir ce que vous venez faire dans ces villages ». « J’y viens, mon fils, chercher mes brebis, vous en êtes une ». Lui dit François, et, en disant cette parole, il l’embrassa avec effusion de tendresse. Le jeune homme, touché jusqu’aux larmes, tomba aux genoux de son évêque, en le priant de dissiper ses doutes et de l’instruire. L’instruction fut prompte avec une âme si bien disposée. L’évêque l’emmena avec lui ; et, au bout de dix jours, il reçut son abjuration publique de l’hérésie dans l’église de Notre-Dame de Brénod. Le ciel fit connaître vers ce même temps combien il agréait le zèle et toutes les vertus de son serviteur, en lui donnant une grâce spéciale pour la délivrance des possédés et la guérison des malades.

Souvenirs divers laissés dans notre pays par Saint François de Sales, recueillis en 1863 et 1864 par Pierre Agnel abbé de Vieu en Valromey.
Il quitta Annecy le 13 octobre, et fut saisi de la fièvre à St Grat de Musignan où elle le retint deux jours. Ce temps ne fut pas perdu ; une plaisanterie impie que François entendit de son lit, au sujet de son indisposition et qu’il sut prudemment dissimuler, lui fit découvrir dans le plaisant un jeune hérétique de Genève, envoyé sur ses pas par les Ministres de cette ville, pour épier toutes ses actions, toute sa conduite. Le jeune homme gagné par l’affabilité du St Evêque, lui avoua tout, le suivit quelques jours pour recevoir ses instructions, ses avis, et ne le quitta qu’après avoir fait abjuration entre ses mains, dans l’église N.D de Brénod. Remis de son indisposition notre St continua sa route. Son itinéraire heureusement pour nous, est tracé par Auguste de Sales son petit neveu et son successeur sur le siège de Genève ; et grâce à lui nous pouvons suivre jour par jour, cet Evêque modèle dans ses courses à travers nos montagnes.
Voici donc cet itinéraire si intéressant pour notre pays et passé sous silence par monsieur Hamon. Le 15 octobre 1605, François de Sales visita l’église paroissiale de St Maurice du lieu de Corbonoz ; le 16 des SS. Victor et Ours de Chanay ; le 17 de St Jean Baptiste d’Orche ; le 18 de St Pierre de Suriod (Surjouz) le 19 de St Maurice de Craz ; le même des SS. Laurent et Didier d’Injouz et le même encore de St Martin de Génissiat ; le 20 de St Pierre de Billiat ; le 21 de St Nicolas d’Arloz le même des SS. Blaise et Grat de Musignan ; le 22 de St Jean Baptiste d’Ardon ; le même de St Paul de Vouvray ; et le même encore de St Etienne d’Ochiaz ; le 23 le prieuré de St Nicolas de Ville de l’Ordre de St Benoit ; le même le prieuré de St Amand de Léaz ; le 24 l’église de St Amand de Lancrans ; le 25 l’abbaye de Notre Dame et de St Roland de Chezery ; le 26 l’église de St Martin de Champfromier ; le 27 de St André de Montanges. François continua sa visite, le 28e jour il visita l’église de St Maurice d’Echallon le même de St Sébastien de Belledouz ; le 29 de St Germain de Joux ; le même de St Blaise de Lallériaz. A son arrivée à Lallériaz une épizootie sévissait au Poizat, dépendant alors de Lallériaz. A cette nouvelle le bon pasteur se rendit sur les lieux en personne, fit réunir tout le bétail dans un même endroit et l’ayant fait passer par un étroit chemin dont on montre encore les traces à l’extrémité duquel il se tenait, il toucha successivement tous les animaux au milieu du front à mesure qu’ils défilaient avec une clé, dite clé de St Guérin, patron du Poizat et dès ce moment, le village fut complètement délivré de cette maladie désastreuse. La tradition de ce fait d’après un témoin oculaire de qui je le tiens est encore toute vivace au Poizat et afin d’en mieux conserver le souvenir, les habitants l’ont fait graver dans leur église, sur un autel dédié à St François de Sales. En quittant Lallériat, notre Saint se rendit à Notre Dame de l’assomption de Brénod le 30 octobre ; le même jour il visita l’église de St Martin de Corcelles ; le 31 celles des SS. Victor et Ours de Champdor, puis de St Martin de Cormaranche.

Bibliographie :
Pierre Agnel : notes manuscrites de l’abbé et historien de Vieu en Valromey
Archives du Département de l’Ain : documents mis en ligne
Edmont Ganter : Compesières au temps des commandeurs
M. C. Guigue : Topographie historique du département de l’Ain, ou Notices sur les communes, les hameaux, les paroisses, les abbayes, les prieurés, les monastères, accompagnée d’un précis de l’histoire du département depuis les temps les plus reculés jusqu’à la Révolution
M. Hamon : Vie de Saint François de Sales
Jean Marie Plouin : De Musinens à Bellegarde




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