Association Renaissance du Château de Musinens - Bellegarde-sur-Valserine (Ain)

 
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Décembre 2007

Un peu d’histoire

Le château de Musinens est l’élément le plus ancien du patrimoine bellegardien. Redécouvert à l’occasion des festivités commémoratives du 400e anniversaire de la signature du traité de Lyon, de janvier 1601, il nous convie à un voyage dans l’histoire ignorée du confluent Rhône-Valserine, bien avant la très prégnante aventure industrielle.

MOYEN ÂGE

Il a fallu attendre la fin du xxe siècle pour que d’importants travaux d’historiens concernant les comptes de la châtellenie de Billiat (xive siècle) et les chartes de l’abbaye de Chézery (1140-1348) livrent à notre connaissance l’existence d’une famille de la petite aristocratie locale : les « Musinens », attestée dès le xiie siècle. Quels rapports avait-elle avec les puissants Châtillon, maîtres du nord de la Michaille et de bien d’autres territoires proches ou lointains ? La question reste pour l’instant sans réponse.

Au milieu du xiiie siècle le site de Musinens devient remarquable. Le sommet de l’éperon rocheux est occupé, depuis fort longtemps, par une paroisse dédiée aux saints Blaise et Grat. Le lieu est alors investi par les moines-soldats de l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem qui y établissent une église-hôpital rattachée à leur commanderie genevoise de Compesières. Là sont accueillis, dès 1264 au moins, voyageurs et pèlerins qui empruntent le passage obligé du « Pont des Oulles » sur la Valserine.

À cette époque vivent Guichard et Matel de Musinens. Ils ont cinq enfants. Guichard fait partie de la caste prestigieuse des chevaliers. Documentation et éléments d’architecture nous portent à penser que c’est lui qui entreprend la construction de la maison forte, base de l’actuel édifice, au milieu du xiiie siècle. Une grosse tour défensive, de type roman, protégeant une maison basse vouée à l’habitation, le modèle est déjà ancien en terre d’Empire.

Archère

On y adjoint rapidement une petite tour ronde et des courtines délimitant une cour noble et donnant à l’ensemble l’aspect des petits châteaux qui prolifèrent à l’époque. Une belle archère en croix, un escalier droit, très raide, pratiqué dans l’épaisseur d’un mur de la grosse tour et l’entrée originelle de celle-ci à une dizaine de mètres de hauteur, sont les éléments architecturaux conservés, des plus remarquables.

Endettés auprès des moines de Chézery dont ils sont probablement des défenseurs et auxquels ils ont cédé, en franc-fief, une bonne partie de leurs alleux [1], les Musinens sont malgré tout bien installés au moment où débutent les interminables guerres delphino-savoyardes des xiiie et xive siècles. Ils y participent, avec Perronet en particulier, mais disparaissent - de la documentation au moins - au milieu du xive siècle.

RENAISSANCE

Musinens reparaît un siècle plus tard comme possession des Châtillon. On ne sait rien du comment et du pourquoi de cette dévolution. On remarque simplement que la puissante famille de Michaille a perdu son château au cours de ces guerres médiévales et qu’elle a investi la maison forte des Musinens. L’édifice devient siège d’une seigneurie haut justicière et répond dès lors à l’appellation rare de « château et maison forte ». Les Châtillon l’aménagent et l’embellissent dans le style de l’époque en lui adjoignant, en particulier, un corps de logis entre tour et maison basse. L’ensemble est desservi par un très bel escalier à vis. La destinée de Musinens est alors prestigieuse.

Fils de Jean de Châtillon et de Yolande d’Avanchy, Louis, seigneur de Musinens, côtoie le duc Philibert le Beau et son demi-frère Charles. Celui-ci devenu Charles III duc de Savoie en 1504, fait bientôt de Louis son grand écuyer et lieutenant général en Piémont. Mais au milieu du xvie siècle, le lignage des Châtillon se trouve sans descendance mâle. Hélène, dernière héritière, apporte alors le double fief Musinens - Châtillon à Jean-Amédée de Bouvens issu d’une noble famille des environs de Cerdon. Ecuyer du duc Charles Emmanuel, Jean-Amédée se voit confier par celui-ci, en 1596, le commandement de la citadelle Saint-Maurice de Bourg en Bresse. Le seigneur de Musinens et Châtillon va faire preuve de ses talents militaires contre les troupes françaises du roi Henri IV qui l’assiègent en 1600. Seul officier de Savoie invaincu dans cette guerre dont l’enjeu, à l’origine, est le marquisat de Saluce, Jean Amédée ne se rend que sur ordre exprès du duc en mars 1601. Cette reddition de la forteresse permet l’application de toutes les dispositions du traité de Lyon. Bresse, Bugey, Pays de Gex deviennent français. Le duc de Savoie conserve la rive gauche de la Valserine, essentiellement à l’usage de son allié, le roi d’Espagne, dont les troupes peuvent gagner, depuis le Milanais, les Pays-Bas en révolte.

SIÈCLES MODERNES

Ce « Chemin des Espagnols » qui traverse la Terre de Ballon du pont de Grésin à Chézery est un secteur stratégique « sensible » de l’Europe du début du xviie siècle. Il est immédiatement contrôlé par les Français grâce à un pont construit sur la Valserine en 1602 par les officiers d’Henri IV, Jean de Beaumanoir de Lavardin, maréchal de France, et Roger de Saint-Lary de Bellegarde, Grand Ecuyer du roi et gouverneur de Bourgogne. Le pont prendra successivement leur nom. Quant au lignage de Bouvens, il reste fidèle aux ducs de Savoie comme les lettres patentes de 1602 l’y autorisent. Mais petit à petit, Musinens, loin des souverains français et savoyards, perd le lustre acquis aux xve et xvie siècles. Le château n’est plus qu’une grosse maison noble, centre d’une vaste exploitation essentiellement viticole. Il est rendu plus confortable vers la fin du xviie siècle et le début du xviiie par de nouveaux aménagements intérieurs et l’ouverture de fenêtres remplaçant les archères de la grosse tour.

La Révolution n’aura pas d’impact grave sur l’architecture mais sera probablement responsable de la disparition des archives des familles seigneuriales conservées au château et dont il ne reste qu’un inventaire dressé en janvier 1717. Le lignage des Bouvens, à peine inquiété par la Terreur, s’éteint naturellement à cette époque. Les Moyriat, qui en héritent après la chute de l’Ancien Régime, ne seront donc pas seigneurs de Musinens.

Un peu plus tôt, au milieu du xviiie siècle, la nouvelle route commanditée par le roi Louis XV évite le village pour négocier une pente plus douce. C’est près du « Pont de Bellegarde », auquel elle aboutit, qu’un hameau se développe alors. Des paysans de Musinens et de la vallée s’y installent comme aubergistes, tailleurs de pierre, maréchaux-ferrants… aux côtés des soldats et des employés de la Ferme générale bientôt remplacés par gendarmes et douaniers. Tous s’affairent au service de la frontière et de la diligence.

Dès lors, le château, vendu et revendu, regarde se développer une vie nouvelle à ses pieds. La commune de Musinens, édifiée en 1790 par la Révolution, voit les différentes activités modernes attirer une population nouvelle vers son hameau. L’arrivée du chemin de fer au milieu du xixe siècle renforce ce déséquilibre et c’est très logiquement qu’en 1858, à l’heure où siffle le premier train entrant en gare, le village médiéval de Musinens s’efface devant Bellegarde. Le chef-lieu de la commune y est transféré comme l’a été le centre de la paroisse quelques années plus tôt.

En 1970, le château, toujours habité par des particuliers, est racheté par la ville de Bellegarde. En septembre 2001 se déroule la première « fête du château » à l’occasion du 400e anniversaire de la signature du traité de Lyon qui voyait Musinens quitter le duché de Savoie pour devenir français.

Jean-François Terraz


[1Bien possédé en toute propriété, sans reconnaissance passée à une autorité supérieure.

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